jeudi 9 août 2012

Lou déboulait dans le café. Pourquoi cette fille ne pouvait pas faire les choses à la même allure que tout le monde, je ne me l'expliquais pas. Elle semblait avaler frénétiquement le monde, ses copines, les livres qu'elle lisait, les soda qu'elle s'envoyait (avant de décréter qu'elle aimait seulement le tonic), au moins elle avait le charme et la délicatesse de nous emmener avec nous dans son tourbillon. Il faut dire que c'était dur d'y résister. J'étais le premier surpris. Une fois qu'elle était entrée dans ma vie, je n'avais aucune bonne raison de l'en déloger, car auprès d'elle, enfin, la vie était frémissante, excitante, quand on se retrouvait "de 5 à 7", les heures passaient, et d'un coup d'un seul, il était 3 heures du matin, elle filait comme elle était venue, enfilant ses souliers sans les délacer, fermant la porte gentiment, mais dévalant l'escalier (j'entendais son sac battre contre sa hanche à chaque palier). Le lendemain, pas plus tard que 14h, un message quelconque, une photo stupide de ses pieds sur un des livres qu'elle devait lire pour ses cours, venait me distraire dela torpeur dans laquelle le travail m'avait jeté, et l'après-midi était perturbé par sa présence en tâche de fond. Si elle s'efforçait de ne suivre aucune règle, je m'en donnais généralement un tas, et, y compris quand j'aurai aimé cédé à la sensiblerie que suscitait chacune de ses petites manifestations de vie, je me donnais l'air pressé et important de celui qui s'en fichent de ses gamineries. Mais je comptais les heures qui me séparaient des retrouvailles, consultait, fébrile et amusé, les déclarations épatantes de bonne humeur qu'elle m'envoyait : de la bibliothèque, de sa salle de bains, ou du métro qui l'amenait chez moi. Elle arriverait à nouveau échevelée, des livres sortant de sa besace, parfois avec un demi-pain au chocolat à la main, et, en fin de soirée, je n'aurai qu'à regarder les miettes qu'elle aura laissée dans la maison, pour me souvenir qu'elle était passée, avec ses soucis, sa tendresse toute pure qu'elle ne me faisait pas payer et le parfum ambré qui imprégnait les long pull over qu'elle aimait porter sur des robes toujours un peu trop courtes pour elle.

Aucun commentaire: