lundi 12 janvier 2009

snow snow snow

Les journées passaient toutes identiques. Chaque matin, au ventre, le même impératif : faire quelque chose de neuf. D'où il venait, bonne question. Alors il uploadait en masse des chansons à usage unique, c'était le type de personne à ne pas accorder d'importance au concept d'albums, - à t'en faire dresser les cheveux sur la terre, seule comptait l'excitation éphémère, toujours fugace, du bon riff accrocheur, du truc qui te fait simplement, bêtement, de façon tout à fait primaire hocher la tête. A la fin de la semaine, il avait régulièrement de quoi faire 5 ou 6 compiles : sans âme, sans couleur, sans rien d'autres qu'un potentiel pour danser et, soit disant pré-buzz, à la page, anté-hype etc, parfois il les gravait, il les donnait à un de ses multiples "amis", et puis l'histoire était finie, ou bien, recommençait. Pareil le lendemain.

Moi, j'aurais du le détester, le trouver fat et peut-être même ringard, bon, en fait, va savoir pourquoi dans la compile dont j'ai hérité, trois chansons des Cure. C'était étrange, même pour lui. On avait passé une soirée moyenne dans son appart (hors du centre ville, crade et spartiate), mais j'étais repartie avec un cd. Je pensais qu'il serait insupportable, ultra-conscient de lui même et de son environnement, et, en fait, il avait l'air complètement affamé, bouffi d'un besoin d'être avec quelqu'un qu'il aimerait : franchement, simplement, et avec tendresse. Je n'avais aucune envie d'être cette personne, c'est peut-être parce qu'il l'a compris que je suis sortie de chez lui avec un disque, probablement une sorte de code secret pour dire : "c'est bon : on a fait tout ce qu'on avait à faire". J'en étais presque dépitée en tournant les talons, mais c'était comme ça, parfois, t'as juste pas ce que tu veux non ?

J'aurai pu écouter le disque tout de suite en rentrant chez moi, mais j'ai attendu le lendemain. En me faisant mon bol de céréales quotidien, j'allumais la télé sur la cinquième chaîne, une émission littéraire en muet, et Plainsong retentissait dans ma chambre. J'imaginais ce qu'il pourrait faire là : la clope insane du matin avant même d'avaler un café, se traîner hors de son lit pour récupérer son portable et lurker quelques sites jusqu'à 14h. La grande vie. Je crois qu'il me faisait pitié, et en même temps, son besoin indicible de vivre jusqu'à l'épuisement, selon des codes qu'il mettait au dessus de tout (le style, la présence, marquer ses contemporains) me touchait d'une certaine façon. Finalement, il ne parlait pas de lui, il parlait seulement de ses goûts, et, surtout, de l'immédiateté de ses goûts.

Alors j'ai mis mon bonnet, un collant et la robe que je portais la veille (elle était à peine froissée), et, pour me laver de cette étendue de vanité, je suis allée me promener en oubliant tout à fait l'existence de ce disque, de cette soirée, et de son compte facebook. J'étais au courant qu'on était deux à aller nulle part, mais, je n'avais aucune envie d'y aller avec lui.