vendredi 21 novembre 2008

Et ce matin en amphi quand celui qu'on appellera, pour préserver son identité Monsieur M., raconte son mépris pour Kant, son amour pour Habermas, je me demande si ça passe les réflexions existentielles, si un jour moi aussi je porterai une bague à un certain doigt et cesserait de me poser quotidiennement la question : et d'où vient il ce monde, et comment, de quel droit, par quelle instance nous voilà autorisées à le comprendre, à émettre le moindre concept, est ce que je saurai prendre ça totalement à la légère, est ce qu'on en sort, de cette foutu question de l'origine des représentations, comment a t'il fait lui ? Et est ce que la petite fille que j'appellerai Alice ou Agathe elle se posera les mêmes questions, et, surtout est ce qu'un jour, un jugement de tes parents sur toi, ta personnalité ou ce que tu fais, cesses de te faire mal comme une bonne gifle ou un couteau enfoncé droit là où il faut, toujours la même violence, toujours la même douleur parfaitement inutile, alors, quand tu me dis et soutiens "tu dis toi, tu es comme ça", que je te réponds "non pas vraiment" "ah si quand même, c'est ta personnalité", et bien c'est sans doute triste, mais moi j'ai les larmes aux yeux. Je peux pas les ouvrir tes putains de yeux pour toi tu vois ? J'aimerai te dire que je comprends pas pourquoi tu le fais, sinon pour me rappeler que t'es "meilleur que moi", plus valable, plus valeureux, et je me dis finalement c'est peut être le job des parents, commettre des jugements pareils, alors tant pis, c'est le jeu.

lundi 17 novembre 2008


A Seattle, j'ai écrit :

Je me sentais seul, abandonné, déjà tu avais disparu, tout ce que j'avais en tête c'était l'érubescence de ton teint, la façon incomparablement délicate dont tes lèvres se détachaient de ta peau. Être seul n'était pas si grave, je connaissais. La douleur, c'était cette chute insoupçonnée, se demander si un jour ça allait s'arrêter, si un jour je me sentirai enfin complet et pas à la recherche de plus, de plus touchant, de plus charmant. En t'apercevant boire un café, en te voyant marcher le long du sable, j'avais la sensation précise de savoir ce que je voulais, d'avoir trouvé une sorte de lumière, un axe qui dirigeraient mes sentiments, comme un chemin, tout bête à suivre. Il n'y avait rien de plus parfait que les rayons de soleil dans tes cheveux, ce mouvement que faisait une mèche en battant contre tes épaules semées de taches de rousseur ou de grains de beauté : j'étais trop loin pour distinguer.

Alors j'étais perdu et à perte de vue, le gris, la dégringolade, de ceux qui cherchent à tout prix une prise dans la vie, un endroit où se reposer un peu, quelque chose de stable sur lequel compter, qui arrêterait la chute, la cascade certaine et infinie. Tu me manquais. Tu ne me manquais pas simplement, bêtement, comme un abruti, narcissiquement comme on dit : tu me manques parce que je voudrais que tu m'embrasses, je voudrais que tu me dises à quel point cette chemise Paul Smith me va bien, enfin, je quittais cet espace là, cet amour dégueulasse et égocentrique, qui ne valait rien. Non, tu me manquais, tout simplement car quelque chose manquait, quelque chose n'était pas juste, quand on faisait l'inventaire et le décompte.

Tu manquais à mon monde, à l'ordre des choses, tu aurais du être là et c'est ton sourire que j'aurai du voir chaque matin, et je n'arrivais absolument pas à sortir de cette idée que l'on devait être ensemble et tout simplement s'aimer, faire le marché, choisir des disques. Mais toi tu étais loin, à dix milles lieux de ça, et qu'est ce que j'aurai pu faire ? Alors c'est simple, j'ai suivi Polly et Ruth. Maintenant, je suis dans un couloir, j'ai la carte d'une chambre d'hôtel à la main, et aussi un sachet d'anthrax, je dois le disperser dans les draps, récupérer le dossier sur le bureau, repartir, transmettre le dossier, me garder de le lire.

Je ne sais pas comment je suis censé prendre ça, j'essaye de faire connecter l'événement à quelque chose de tangible mais je sens vide, dépersonnalisé. J'ai Dale au téléphone, il a la voix suraigüe, il insiste pour que je rachète du beurre de cacahuètes, mais aussi des courgettes : Polly a décidé de faire une mono-diète à base de courgettes bouillies, il dit aussi qu'il a loué Taxi Driver, qu'il faut que je vois ça, quand je lui réponds que je l'ai déjà vu il me certifie "impossible, on était pas ensemble !". Être embarqué dans cette bande où ils ont honnêtement tous l'air plus déconnectés les uns que les autres ne me semble pas anormal ou bizarre, c'est juste comme ça, j'arrive à me convaincre que je l'ai mérité et que c'est simplement ce qui devait être.

En glissant le long du mur, sur lesquels sont accrochés des vieilles affiches de concert du Neumo's et du Showbox, j'ai envie de penser à mes parents, je me demande concrètement ce que je fiche là, combien de temps ça pourra durer, et si, ce soir, en m'endormant, j'arriverai ou pas à m'assoupir calmement, sans heurts, pour perdre avec plaisir plusieurs heures de l'existence qu'on est censé rendre fantastique et inoubliable.

mercredi 12 novembre 2008

do epic shit

Quand j'arrivais dans sa chambre sur le campus, il y avait un macbook posé sur le lit (défait), Itunes, en fonction "Genius" faisait défiler Do The Panic de Phantom Planet, ça hurlait ridiculeusement dans la chambre vide. Le tiroir de son bureau était ouvert, et comme la fenêtre n'avait pas été fermée, des feuilles battaient et s'en échappait. Je savais pas trop quoi faire, c'est toujours étrange de pénétrer chez quelqu'un lorsqu'il est absent. Quelqu'un de bien intentionné aurait peut être mis de l'ordre, éteint la musique qui offrait un contraste plus qu'intéressant avec l'inanité de la chambre, moi, je me suis assis le regard dans le vide : j'ai observé. C'était là qu'elle mangeait, probablement, ou mangeait pas, se réveillait les yeux embués de sommeil, faisait des bouts de disserte de temps à autres. J'imaginais passer la nuit ici, ou un week end, la retenir au lit jusqu'au milieu de l'après midi, qu'on lise l'un à côté de l'autre, jambes nues, en se penchant, mes tempes heurteraient les siennes. C'était parfait, idéal, absolument nécessaire. J'en étais encore à mes rêveries quand elle arriva, essoufflée, avec un gros sac sur l'épaule.

- "Luc ?"
Elle parlait trop vite pour que je décrypte quoique ce soit, j'avais l'impression de pas avoir les ressources nécessaires pour articuler des sons, dire quelque chose, je voyais ses ravissantes lèvres entrouvertes, probablement par l'impatience, l'énervement, ou bien la surprise, essayer d'avoir l'air cool, normal, essayer de signifier quelque chose.
- "Ah salut, écoute, je suis rentré ! Ta musique est vraiment forte !"
Je suis même pas convaincu par moi même.
- "Non mais, tu fais quoi ? enfin tu veux quoi ?"
Non. Elle est vraiment surprise en fait, elle est toujours debout, le sac -Chloé- à la main, ses collants tirebouchonne au niveau du genou, quelle présence d'esprit, c'est la chose la plus sexy et géniale que j'ai jamais vue.
- "Tu m'as dit dans ta lettre que t'étais à Chicago, et bon.."
- "D'accord très bien mais j'ai pas le temps là, vraiment, je t'appelle ok"
Regard appuyé, elle agite son portable qu'elle portait à la main tout ce temps, je viens de m'en rendre compte.
- "Ah oui, grave, je voulais te dire,"
- "Oui, donc, je t'appelle quoi."

J'arrive pas à réaliser si en tendant son bras elle me poussait vers la porte du dorm ou bien si c'est moi qui en sortais, ou bien si elle faisait un signe de la main, et tout d'un coup, je suis dehors. Elle est à l'intérieur, je l'entends virevolter, enlever ses chaussures, changer de chanson, Alice Practice, Crystal Castles, tout ce que j'ai bien incrusté sous la rétine c'est ses yeux bruns et vifs, son pas gracieux, sa voix roque et précipitée. J'ai l'impression de tomber dans une dimension absolument sur-réelle, un truc sans logique, sans autre loi que l'élan qui vient occuper toute la bande passante de mon cerveau : elle vient ravir le monde. Pour une très courte période de ma vie, je ne me sens pas misérable, et rien ne pourrai m'atteindre.

mardi 4 novembre 2008

wonderfulness is a dream




Béatrice Hunsdorfer (Joanne Woodward, la femme de P.Newman, prix d'interprétation à Cannes en 1974 pour ce rôle) élève seules ses deux filles (une cheerleader sexy comme seules les années 70 savaient le faire, une petite scientifique - sa véritable fille dans la vie). Plein de belles choses délicates et charmantes sur la personnalité des gens, l'attachement, les atomes. Rentre probablement directement dans mon top 20 de mes films préférés.