mardi 11 octobre 2011

Il n'y a rien de spécial à dire : amoureuse, j'étais comme tout le monde. Le métro n'allait jamais assez vite jusqu'à chez lui, les heures de cours, les fesses coincées sur des chaises d'amphi qui claquent quand on se relève, étaient interminables, le taxi au retour était comme un territoire inconnu : je me repassais en boucle le son de sa voix, les phrases qu'il glissait, peut-être sans le savoir ni s'en souvenir, je me refaisais les scènes : comment était-on passé du canapé à son lit à la cuisine à son lit à la salle de bain à la porte d'entrée à son canapé à l'ascenseur ? J'étais connectée sur une autre fréquence. Celle où tu veux te réveiller plus tard pour être sûre qu'au lever tu risques de trouver un email, un inbox ou un sms.

Tapie, à l'affût du moindre geste, j'étais comme tout le monde c'est-à-dire complètement pathétique. Cette vie suspendue au rythme des rendez vous, des cafés, des déjeuners furtifs dans certains quartiers, pas dans d'autres, me laissait l'impression d'être rien d'autre qu'un corps disponible.

L. venait chafouin, me prenait contre lui comme si, de toutes façons, je ne pouvais vouloir que ça (le fait est que je ne voulais que ça et rien d'autre - mes cours gisaient, ça faisait 3 semaines que je m'étais pas montrée en macro-économie, et je validerai miraculeusement le droit public), glissait mes mains sous ma robe en la relevant - je m'obstinais à porter des robes, et Clara avait plein de choses à dire sur le sujet, il sentait la cigarette et je déposais mon manton contre les rebords, durs et droits comme la justice, du col de la chemise qu'il porterait ce jour là. Pas celle qu'on avait choisi ensemble le samedi qui précédait. Dans le magasin j'avais l'impression qu'il cédait à un caprice, consentait à me donner de l'importance.

En rentrant toutes les questions. En rotation lourde dans le cervelet : est ce que je représente quelque chose pour lui et si oui quoi ? A quoi il pense et est ce qu'il pense à moi, de temps en temps ? A ce rythme, ça devient rapidement rance et putride. Alors, souvent, quand j'avais atteint un taux de macération satisfaisant (2 tablettes de chocolat) je m'habillais en vitesse : la jupe de la veille, un pull qui traîne, et je filais dehors, me vider la tête, les pensées lourdes, à chaque inconnu que je dépassais d'un pas que je voulais leste et décidé, j'étais un peu plus rassurée : je suis là, j'existe, je sens quelque chose, et, de toutes façons il me dégoute quand il parle la bouche pleine.

vendredi 7 octobre 2011

how to live on nothing

Les jours se suivent. De plus en plus, en tout cas, c'est de plus en plus certain, j'ai envie que l'on me tire hors du monde, de toutes façons, c'est pas exactement comme si j'y allais de ma contribution. Être tiré du monde, ça c'est un programme : façon Augustin au livre X des Confessions, que j'avais lu en cours de latin un mercredi matin où j'avais daigné me lever, regarder l'heure et atteindre la fac, Augustin qui, spectateur d'un évènement dont il n'a pas de mot pour décrire l'horreur (un combat de gladiateur) espère que "la main de Dieu" va le tirer de toute sa force, lui et ses copains stoïques qui, malgré toute leur philosophie, ne résistent pas à l'abondance de sang, de sueur et à l'exaltation des sentiments que provoque le combat, et face cette avalanche de violence, Augustin n'a, comme moi, qu'un souhait : que Dieu le tire, donc, hors du monde, des vicissitudes, de la vérité approximative et surtout de l'obscurité. Mais bon nous sommes en 2011, et en 2011 on n'a pas la foi. On a Facebook et on réalise que nos amis sont cons, le reste du temps on réalise malgré nous l'ampleur de la misère sexuelle, il n'y a plus franchement d'obscurité, mais tout le monde déprime en silence.

Bref, que fait-on exactement de sa vie, des heures qui nous sont remises ? On les achète, ou, plus exactement on laisse des gens les acheter souvent, surtout. On ne se l'avoue qu'à demi-mots, pour mieux continuer, mettre un pied à peu près devant l'autre. Merci pour le cadeau.

Je suis désemparé devant mon angoisse. Je ne vois qu'elle. Mais la certitude d'en avoir fini bientôt, chaque jour après tout est un jour de moins, pourvu que ma solitude s'accorde à celle de quelqu'un d'autre, que nos névroses combinées nous mène quelque part, permet de regarder au loin. Chaque jour est un jour en moins.