tag:blogger.com,1999:blog-44212065012774742542024-02-22T00:11:35.370-08:00The Pleasure Of Being Robbed-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.comBlogger68125tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-25053761514912568492019-04-20T05:43:00.001-07:002019-04-22T03:57:46.043-07:00<div style="text-align: justify;">
Le dernier quart d'heure de cours je n'écoutais plus et calculais mentalement : le temps qu'il me fallait pour rentrer chez mes parents, larguer mon sac, rajouter du noir aux yeux, courir en sens inverse jusqu'à la gare et retrouver mes potes devant la salle. Parfois, le RER suivait directement le cours d'allemand ou d'anglais. </div>
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Je ne séchais pas : bonne élève, lycée privée, le dossier pour la prépa, et après tout les bonnes notes servaient de monnaie d'échange, faisaient office de transaction. Un concert en semaine valait un 15 en latin. Je l'ai compris assez rapidement. Un bulletin irréprochable c'était la liberté. Je l'achetais grâce à trois heures de révision le dimanche matin, sa conquête était progressive, soit, mais définitive : je ne donnais aucune raison à mes parents de revenir en arrière. </div>
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La liberté à 15 ans, 16 ans et 17 ans c'était la musique, les concerts de rock dont je revenais avec des bleus et éblouie, les billets de train achetés avec l'argent de poche et les quelques baby sittings qui me permettaient de faire mes devoirs, que je n'acceptais que si j'avais une fiche de lecture ou une composition à faire et s'ils ne rentraient pas en conflit avec l'agenda premier : celui des salles de concert, l'Elysée Montmartre d'abord puis le Trabendo, la Boule Noire, le Gibus, le Café de la Danse, le Réservoir... C'était le Paris où je n'allais pas avec mes parents, de l'autre côté de la Seine, là où les rues me surprenaient par leur saleté, les salles obscures dont le sol était crasseux et les toilettes pas franchement fréquentables, il fallait souvent faire le changement à La Chapelle et j'y croisais tous ceux que je ne voyais pas le samedi ou le dimanche en pleine journée trottant derrière mes parents, sous les arcades de la rue de Rivoli avant d'aller voir l'aile Sully au Louvre, déambuler dans le marché aux oiseaux ou aux fleurs, sentir le café chez Lapeyronie, que je ne buvais que du bout des lèvres, ignorant qu'il constituerait la seule joie certaine de mes matinées une poignée d'années plus tard, les jours parisiens, de septembre, avril ou juillet, où ma mère nous emmenait renouveler la garde robe au Bon Marché, rue de Rennes et Saint Sulpice ou, dimanche après midi de désoeuvrement, le long de la ligne aérienne dans ce 13ème arrondissement quasi provincial où vivaient mes grands parents puis mes cousins. </div>
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Et l'été c'était les voyages, très rapidement à l'étranger, la Russie fauchée. La pauvreté, le train pour aller partout, la débrouille, un repas par jour mais les plus belles églises et peintures au monde.</div>
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Comment décrire à quel point j'ai aimé, adoré mon adolescence, je ne l'échangerais pour rien au monde. Je la revivrais façon éternel retour : tout pareil, à l'identique, et y compris le plus intestinal comme le plus violent. Evidemment tout était branlant, évidemment je n'avais aucune structure (cf : lignes 6 - 7), absolument aucune maturité, évidemment la vie allait m'engloutir. </div>
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Mais cette excitation quand je marchais seule dans Paris, courais pour rejoindre les amis que mes parents ne connaissaient pas, ne connaitraient pas, les fêtes en cachette, l'incertitude, la gorge et le ventre qui brûlent quand un riff de basse débute, le valait bien. On rentrait effectivement dans le rock comme dans une cathédrale : c'était la peur et la fébrilité, le mystère sans cesse renouvelé de l'incarnation. D'abord l'anonymat, je me glissais parmi ceux que je regardais dans l'ombre et admirais secrètement puis on était devenu un fidèle et le rite était complet, les yeux se tournaient aussi sur nous, on s'inquiétait de notre arrivée, soudainement, sans que j'ai pu le prédire, c'était bien nous qu'on attendait. Chacun venait beau, plus beau, plus grand et plus fou que nature, moi, ça vous posait là, j'avais un manteau acheté, au prix de plusieurs repas sautés, dans une frippe à Melrose, mon mec une veste en velours vert bouteille, et la tête comme le coeur disponibles. Plus généralement on rentrait dans l'adolescence comme dans un vaisseau sacré. Période bénie des premières fois, où tout a mille fois plus d'intensité, de saveurs, ce goût indicible de la liberté et où les idées sont encore nettes et claires, les expériences vécues ne se mélangeant pas les unes aux autres ternissant l'ensemble en sorte de bouillie insipide et monotone.</div>
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Aujourd'hui j'enseigne à ces jeunes gens de 16 ans, 17 ans, 18 ans. Ils sont là, devant moi, pour certains craintifs, et d'autres avides et prêts à tout mais surtout à en découdre. A ceux là, j'espère que ce que l'on appelle un peu pompeusement "mon enseignement" ne leur apprendra qu'une chose : saisissez-vous de votre jeunesse, personne ne la vivra pour vous, faites vos dissertes de philo, ça vous servira pour plus tard, mais séchez, endormez-vous trop tard, ressentez les choses trop, et trop fort, paressez aux soleil, remplissez-vous la tête et les oreilles de sons, d'images, de films, et ne vous laissez pas dérober du bien qui est le plus précieux, ne vous disposez pas à vivre, la vie ça ne se repousse pas à plus tard.</div>
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Souvent je me dis que j'ai choisi mon métier pour deux raisons :</div>
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- pour ressentir encore et à nouveau ce sentiment de liberté et de bonheur qui nous submerge à la fin d'une année scolaire, éclaboussant d'insouciance, envahissant le corps tout entier</div>
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- pour être toujours au contact de ces drôles de créature que sont les adolescents et capter leur énergie comme un vampire.</div>
-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-52929111493503115192019-03-21T02:08:00.001-07:002019-03-21T02:13:58.588-07:00Disorder<div style="text-align: justify;">
Chaque moment, chaque instant, chaque journée et chaque semaine libre sont occupés par ces interrogations, je les reprends là où je les avais laissées et parfois il y a des retours en arrière, des rebuffades et des ratures. Jamais FECONDES. En fait j'ai l'impression de m'occuper finalement juste pour les éviter, les fuir et ne pas me les poser. #divertissement anyone ?</div>
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<i>I've been waiting for a guide, to take me by the hand</i>... Est-ce qu'un jour je ne compterai pas sur les autres, pour prendre des décisions pour moi ? Où vivre, que faire de ma peau ? Je suis lente, mais lente, je prétends aux autres qu'il faut du temps, qu'il faut que les choses se révèlent ou se décantent, mais soyons honnête, quand je veux vraiment un truc, quand j'en ai vraiment envie, je l'obtiens - il faut parfois faire preuve d'un peu de patience soit, mais je me donne du mal et place toutes mes forces dans la même direction. Et donc là ? Et bien là, les forces se dispersent, il n'y a pas franchement de stratégie - si ce n'est la fuite, et on ne suit pas un ordre de bataille rangée. </div>
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Au moindre silence tout cela me surgit à la gueule sans crier gare, et bien sûr ce que je me dis, c'est que je devrais consulter cette gamine de 16 ans, que j'ai pourtant bien été, qui faisait tout avec évidence, et confiance, savait ce qu'elle voulait, choisissait en toute indépendance, ou en tout cas en avait le sentiment. Et le sentiment, c'est bien suffisant, qu'y a-t-il d'autres de toutes façons ? Qui compte-je leurrer ? J'en viens parfois à un point où je ne sais pas si j'ai bien le droit de revendiquer cette liberté, si elle ne serait pas trop encombrante, alors qu'au fond, je veux juste saisir la lumière, les soleils, les quelques journées qu'on a ici, qui nous ont été octroyées, pendant un court espace de temps.</div>
-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-51435303162904199802019-03-06T06:29:00.002-08:002019-03-06T06:38:36.372-08:00Cendres40 jours.<br />
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Quand j'étais enfant je m'appliquais à jouer davantage de violon, m'efforçais de faire les exercices de solfège, de la méthode bleue, puis verte (ou bien était-ce l'inverse) chaque jour, sans attendre que Maman ne me le rappelle. A la cantine il y avait "le bol de riz", j'avais l'impression que c'était un seul mot : c'était l'opération bolderi, le premier lundi du Carême ou bien le dernier avant Vendredi Saint je ne sais même plus. On rassemblait les boîtes de conserve, les paquets de pâtes, dans des cartons posés dans un coin de la classe, souvent c'était aussi le moment des pièces jaunes, et il était possible de se confesser chaque semaine à l'aumônerie, grâce à un <i>service renforcé</i> pendant ce <i>temps fort</i> qu'est le Grand Carême. En quelques sortes on thésaurisait la pénitence, de quoi mettre de côté pour quelques mois, se donner une petite avance pour le Royaume des Cieux ou bien, option un peu plus Realpolitik, les adultes profitaient de cette tendresse qui caractérise certains enfants et qui les rendent particulièrement sensibles au conformisme pour leur donner un sens moral. Faire provision de valeur, de droiture et de rectitude.<br />
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Une enfance catholique. Avec des moments d'ennui à la messe, à inspecter chaque smock de la robe que ma mère avait choisie, les dimanches scouts, les heures de catéchèse où on était invités à discuter de la parole du Christ et à mettre en dessin les Evangiles. Si mon grand-père était encore en vie, est-ce qu'il serait fier de ce que je suis devenu ? Aurait-on ces conversations que j'imagine parfois, sur le péché, la liberté, le sacrifice, la beauté ? Est-ce puéril de vouloir sauver son âme, et de souhaiter que l'âme de tous ceux qu'on aime le soit autant ? De se surprendre, parfois, à avoir envie de prier, d'aller à l'église ? <br />
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J'ai encore besoin de ce temps, que j'associe à la quiétude et au repos. Cela fait 3 ou peut-être 4 ans que je fêtais à l'orthodoxe, Maslenitsa, parce que pourquoi se priver de vodka et blinis en bonne compagnie, cette année le carême a débuté avec les mêmes amis, et, ce matin, un mal de tête, de toutes façons, invite effectivement au discernement et à la réflexion. <br />
<br />-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-513343483937461692019-03-01T01:56:00.000-08:002019-03-01T14:01:46.866-08:00Les petits matinsLes petits matins d'hiver, brumeux, où l'on se réveille calmement et l'on craint de déposer les pieds nus contre le sol, qu'on sait d'avance trop froid, par rapport à la chaleur douillette du lit dont on s'est pourtant extrait avec un relatif entrain, sont mes préférés. Plus spécifiquement quand l'hiver touche en fait à sa fin, que la lumière est revenue, et que tout semble possible.<br />
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En fait la nature ne s'arrête pas : on croit qu'elle est au repos seulement pour manquer d'attention. Le bourgeon se forme, la branche s'allonge dans cette drôle d'excroissance, très jeune, très tendre, il suffirait d'un rien pour compromettre son éclosion, une pression du pouce et de l'index, qu'on rassemblerait comme la prise d'un crabe un peu cruel, mais dans un déterminisme implacable et à moins que l'on arrête dans un sadisme non contenu son mouvement, il continue de pousser et de croître, au rythme qui est le sien, que n'accélèrera qu'une activité un peu plus soutenue des rayons solaires. A cela nous ne pouvons rien faire, nous sommes ravalés à l'humble place de l'observateur. On peut toujours compter sur les bourgeons et cette seule certitude devrait suffire à tous, collectivement, nous rassurer. Même sous les couches et les couches de neige, sans qu'on le voit, de façon imperceptible pour l'oeil non aguerri, ça travaille.<br />
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En dépit du quotidien, des horaires à tenir, de ce qu'il ne faut pas manquer, du calendrier et du nécessaire autant que grotesque emploi du temps en effet, ça travaille. Le souffle qui nous traverse, cette petite voix intérieure ne se fait pas toujours entendre : elle doit elle aussi lutter contre les éléments, et surtout, contre la précipitation, le vacarme du monde, mais bien présente, enracinée, elle est aussi certaine que le printemps. Tout revient, tout est là pour revenir. Et parfois, de façon tout à fait absurde, exactement dans la même forme et avec la même fragilité alors que le temps a passé - la tulipe, l'orchidée, la primevère, reviennent à l'identique, et dans une forme de phylogenèse individuelle, nous mêmes nous semblons renaître sans rien avoir perdu d'autrefois. <br />
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On pourrait croire que rien ne se perd parce qu'au fond tout se transforme, <i>mutatis mutandis</i>, ou bien qu'il y a bien des choses qui tombent absolument et résolument dans l'oubli : les histoires de nos parents, de nos grands-parents et de nos arrière grands-parents, certains sentiments, certaines convictions (et parfois c'est tant mieux), on perd le passé et l'on s'allège pour mieux s'alourdir d'autres considérations, en accord avec son temps, du contemporain si l'on veut, de l'actuel, ce que l'on perd peut avoir la taille de tout un pays, des années complètes ou bien des personnes entières que l'on croit pourtant avoir aimées. Mais il y a aussi ce qui revient tel quel, ce qui timidement, parce que ce n'était au fond pas attendu, se redonne à voir, se présente à nouveau, dit "je suis toujours là", ce qui au coeur constitue le véritable fondement de notre être et que l'on avait sans doute un peu oublié et négligé.<br />
Ce que je suis est parfois enseveli ; une fois "dans le monde du travail" - le monde donc, l'espace de relations, qui n'est pas l'espace de la vie, de l'amour ou de la saine et légitime contemplation, le véritable travail de tous les instants est de ne pas me sacrifier et protéger mon essence - exactement comme l'essence du parfum qu'on souhaiterait conserver tout au long de la journée et qu'il serait très indélicat et assez vulgaire de ré-appliquer, à intervalles temporels réguliers, comme pour se rappeler à soi-même et à autrui. Au fond, on veut que les performances de l'élixir de notre choix soit telles que notre fragrance nous suive, naturellement, d'elle même, tout au long de la journée, dans tous nos mouvements, se déclinant même au fil des heures qui s'égrènent comme pour mieux épouser notre être, la fatigue et l'usure du jour. L'essence, dans toutes les variations de l'être et de l'acte d'exister, se doit de demeurer, d'être encore et toujours là. C'est sans doute cela, plus encore qu'être soi, être soi-<i>même</i>. Être parvenue à ne plus faire négoce. A ne plus faire bon marché de soi, à ne plus se céder à vil prix.<br />
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Et qu'il s'agisse de l'acte pur d'exister, de se sentir au monde par ses choix, sa détermination ou sa présence ou de comprendre, subitement, ce qui fait que nous sommes nous et pas un autre, bref la révélation de l'être même est toujours une grande joie, indicible et qu'on ne peut communiquer. A chacun de la ressentir pour soi : en voyant défiler un paysage de son wagon de train, face à un film (de préférence japonais dans mon cas), en dévorant une brioche ou des petits choux à la crème ou en prenant son enfant dans les bras. Puis, comme on dit dans les recettes de cuisine "à réserver pour plus tard" : entourer de toutes les précautions nécessaires ce sentiment naissant, en le protégeant jalousement.-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-76546884922417266222019-02-28T09:54:00.001-08:002019-03-01T02:13:01.739-08:00As little or as much<div style="text-align: justify;">
Garder cette distance : être celle qui est là, sans être là. Disponible. Une présence un peu familière, mais désincarnée, sans le poids de la matière mais avec le confort rassérénant du quotidien. Celle qu'on joint à tout moment, comme si la conversation ne prenait jamais fin : le matin au réveil ou aux petites heures de la nuit, lorsqu'à la fin de la journée on quitte l'un et l'autre nos responsabilités, nous déshabillant l'espace de quelques heures des rôles sociaux que nous nous sommes choisis, ou lors des beaux après-midis d'ennui où l'on pense l'un à l'autre, un message en entraîne un autre, et ne débouche sur rien d'autre que ce simple échange, dépouillé de toute ambition, qui n'attend rien, qui n'espère rien. Je ne souhaite pas te voir, je ne souhaite <i>plus</i> te voir. Des petits mots lancés à travers les canaux numériques, des 1 et des 0, qui forment, de l'autre côté, des phrases, une "petite musique", ma petite musique, qui j'espère te fait parfois sourire le temps de ton trajet de métro, ou bien te fait franchement rire ou t'émeut. Voilà. Rien de plus que les 1 et les 0. Je ne suis pas prête pour autre chose, pour les corps qui se rencontreraient, pour le regard qu'il faudrait peut-être soutenir ou bien fuir, pour les multiples choix, et donc remords, qu'impliqueraient un <i>rendez-vous</i>.</div>
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Je ne veux pas me rendre en fait. J'ai essayé le <i>rendez-vous</i> : son principe, ses codes, ses usages. </div>
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<i>Veni, vidi</i>, pas <i>vici</i> du tout. J'ai donc choisi, d'abord un peu piteusement, de conserver une distance de sécurité, mais j'investis à présent de façon souveraine ce périmètre de quarantaine, m'y installant comme une reine en sa demeure. Isolée, certes, mais il y a quelque chose de réconfortant dans ce vaste continent qu'est ma solitude où je fais l'expérience d'une sorte de robinsonnade intérieure. En somme une retraite sans reddition. Alors un écran entre toi et moi - deux au fond, que l'on porte à nos yeux quand on en a envie, et si l'on en a envie, on fait le choix du bavardage, des confidences ou du silence : le seul témoignage que l'on aura de nos existences réciproques ce sont ces millions de petits signes, se taillant leur place nécessaire dans ces petites bulles vert d'eau un peu ridicules au fond - y aura-t-il un jour la teinte Pantone correspondante, qu'on appellera "Expectation", ce vert associé aux joies les plus infimes et aux désespoirs les plus certains, et le plus souvent tristement informatif lorsqu'il n'est pas simplement décevant. Mais dans ce "... écrit", il y a toujours une part d'excitation et de fébrilité : une promesse - quelqu'un, de l'autre côté, formule de façon hasardeuse quelque pensée.</div>
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Je ne sais pas si ça te rend fou, si toi tu voudrais, comme tu le dis quelques fois, me retrouver. J'ai toujours eu l'impression de rater ces "cafés" comme on rate des entretiens
d'embauche : en dépit d'une préparation appliquée. Comme si tu allais me retrouver plus complètement en me voyant, en me touchant, en observant les quelques rides qui ont du apparaître le temps de l'absence, les cheveux qui ont poussé, en essayant de deviner, dans le corps, le temps qui a passé. Est-ce que je suis véritablement plus moi-même quand ne parvenant pas à cacher ma nervosité mes yeux passe de l'inspection des nervures du bois, à celle du rebord de la soucoupe puis de la tasse avec la légère marque de rouge à lèvres que j'y laisse peut-être et que je martyrise le petit sachet de papier oblong qui accompagne tous les mauvais expresso de tous les cafés où on a pu se retrouver, lui faisant subir toutes sortes de sévices, torsions, pliages, culpabilisant pour deux choses à la fois, la certitude, d'une part, d'avoir l'air d'une gamine pas finie, d'autre part d'avoir gaspillé puisque le serveur sera contraint de jeter le petit berlingot usé, sans qu'il n'ait jamais réalisé sa fonction originale et première, sa
raison d'être, sa cause finale dirait Aristote : sucrer, ce qui me conduit à me demander s'il ne serait pas opportun de laisser, de temps à autres, s'infiltrer davantage de douceur dans mon existence. </div>
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-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-68867948166936296442014-02-18T08:56:00.001-08:002014-02-18T08:56:25.496-08:00Le principe de joie obligatoireChoses à accepter :<br />
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- d'être souvent imparfaite<br />
- la peur du vide et celle d'échouer<br />
- l'inertie<br />
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<br />-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-26640058745657014932014-02-14T05:37:00.000-08:002014-02-14T05:37:47.986-08:00L'amour c'est l'attente. Être amoureux c'est attendre. Barthes l'a dit et tout le monde est d'accord. Alors comme je suis amoureux je fais des trucs débiles : je rafraîchis toutes les dix minutes l'inbox qui devrait recevoir tous tes précieux messages. A chaque fois le coeur gonflé d'espoir. Si tu réalises que tu attends quelque chose, mais attendre vraiment, de tout ton corps, l'attention tendue, chaque heure de la journée s'égrenant selon cette insoutenable, cruelle, terrible attente qui ravage tout, alors tu devrais réaliser que tu es amoureux.<br />
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Un silence épais et poisseux, et surtout tout à fait injuste. C'est la composante principale de ce silence. L'injustice la plus pure et la plus certaine. Qu'ai je fait ? Qui es tu pour me faire attendre, pour me faire demeurer ? Tu le sais bien que je saurai t'aimer, chaque petite centimètres carrés de ta peau, chacune de tes pensées, même quand tu ne penses pas moi je t'aimerai. J'aimerai tes rêves, tes colères, j'aimerai quand tu me raconteras tes journées, même quand elles seront pas intéressantes, et j'aimerai te faire à manger et te voir tous les jours de la semaine, et je t'aimerai, surtout, plus et mieux que tout le monde. Et ça tu devrais le savoir parce que j'attends mieux et plus que tout le monde.<br />
-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-48061815678228105222013-11-04T05:42:00.000-08:002014-02-14T05:43:58.580-08:00La vie qui passeElle était terriblement paniquée à l'idée d'oublier ses souvenirs, de quoi avaient l'air les fêtes qu'elle donnait, auxquelles elles participaient, dont elle partait l'esprit embué, encombré des bruits de la musique à la mode à ce moment là, et des rires de ses amis - ceux de passage et les plus fidèles, qui resteraient toujours, dont elle n'aurait jamais fait le tour, on passe des heures à penser à ces amis là - à leurs malheurs et à leurs réussites, les amis avec lesquels on galope tout le long de l'existence, projetés en avant et tendus vers la vie, les bras prêt à tout cueillir, la paupière haute et grande ouverte, décidée à ne ciller devant rien : ni l'horreur, ni l'absurdité, ni la confusion.<br />
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Aussi avait-elle toujours autour du coup un gros appareil photo qui avait l'air d'un jouet et avait la qualité de prendre des clichés instantanés. Elle les laissait sécher quelques minutes à l'air puis les intercalait dans un livre ou un cahier, avant de les rassembler religieusement le soir venu dans une boîte qui contenait tellement de ces instants, provisoires et vécus, qu'en les racontant on aurait démêlé le fil de sa vie, un peu celle des autres aussi. Elle était fort consciente d'avoir l'air débarquée de la fac de lettres ou de première année de licence d'art du spectacle, avec cet appareil photo irrémédiablement sur l'épaule, ressemblance qu'elle cultivait avec malice puisqu'elle terminait cette année son internat de psychiatrie. Quand elle annonçait sa future profession, son futur rôle dans la vie, la place, étrange, qu'elle occuperait et qu'on ne lui envierait pas, elle recueillait des silences polis, de ceux qui regrettent de s'être perdus en jugement idiots, tout empêtrés entre la réalité et leurs convictions.-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-49392768907059463682013-07-18T08:10:00.000-07:002013-07-18T08:10:57.565-07:00Les plantes jaunissent. Chaleur écrasante à Paris. L'herbe du champ de mars, éprouvée à la fois par la foule du 14 juillet et la canicule inopinée, a rendu l'âme, aplatie en une vague étendue desséchée. Je lis sur mon balcon, mon chaton à mes pieds, jette un oeil aux expos avant d'en finir avec Paris pour presque un mois. Je traverse la BNF, le Louvre, la filmothèque, la Cité de l'architecture et dîne sur la terrasse de M., dans le 7ème arrondissement. Je quitte ma psy, le lundi et le jeudi en me sentant vaguement coupable, je retourne à mes occupations : pérégrinations et dérive, musées et lecture et la laisse à ses patients, clouée dans son cabinet, face à sa bibliothèque immobile et au divan râpé. L'été est là, je ne veux pas le louper.-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-38940353491358479752012-10-18T02:10:00.001-07:002012-10-25T06:46:39.676-07:00<div style="text-align: justify;">
Mon thé refroidit. Tout d'un coup ça me frappe. Je ne sais plus si je t'aime. Il y a nos photos devant moi : nous souriant pas très loin du Ponte Vecchio (il y avait du vent ce jour là et nos cheveux en pagaille nous donnent l'air d'aventurier), toi lors d'une soirée chez des amis, souriant, repus, en clair-obscur, nous, plus jeunes, entourés de notre barda et passablement sales d'avoir voyagé tant d'heures, à Hanoï. Je ne sais plus si je t'aime, mais, pire, je ne sais pas si tu m'aimes encore - au fond de moi une petite voix lucide m'assure que tu aimes celle que j'étais à 22 ans. </div>
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Je ne suis plus que l'ombre de cette Lola là. Elle a été emportée, non pas dans le tourbillon de la vie - ce serait trop beau, mais par les taxes d'habitation, les pass navigo qui ne marchent pas sur la borne de droite à la station Volontaires, les élèves qui n'écoutent rien et les collègues de mauvaise humeur. Je me prépare à te le dire. Est-ce que tu le prendras sur le même ton que lorsque j'oublie de préciser "pas trop cuite" à la boulangère quand je lui achète une tradition ? Nos habitudes. Il y a encore trois jours je les chérissais, c'est ce qui nous donnait de la substance, le sentiment que le temps passe, non ? Quelque chose à raconter aux dîners chez les amis. "Nous on aime la boulangerie qui fait l'angle entre la rue Plumet et la rue Bargue". "Nous on a adoré cette mise en scène du Tartuffe ! Vraiment, allez y !". Nous. On s'est dissout dans ces déclarations creuses et débiles, et il a suffit d'un peu de quotidien, d'un emmerdement trivial de plus qui allait justifier une discussion sur un site de rencontre, comme ça, pour s'amuser, laisser passer une heure en s'oubliant, le genre de manoeuvre mesquine, digne d'une Bovary, que j'aurai raillé deux semaines avant. Avant que la somme des jours se transforme en une masse informe d'ennui et de banalités.</div>
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Tout d'un coup j'ai su que je n'avais pas envie de passer la nuit avec toi, pas envie de lover mon corps contre le tien sinon par tendresse presque fraternelle, et, de toutes façons, aucun goût pour retrouver nos étreintes, qui à un moment, entre Hanoï et Paris, je m'en souviens, ont été effrénées. Il a suffi d'une discussion avec un anonyme - peut-être qu'il n'avait pas l'âge qu'il se donnait, peut-être que ce n'était même pas un homme, peut-être qu'il ne pensait pas un mot de ces lignes de 1 et de 0 qui, sur mon écran, reconstituaient des phrases qui me donnaient des palpitations, arrachant mon coeur en le déplaçant de l'enclave, au sein de ma poitrine, où il s'était mis à battre, sans que je m'en aperçoive vraiment, d'une litanie monotone. Une petite musique : celle des habitudes, qui viennent emmailloter la passion. J'étais, d'un coup, d'un seul, comme retenue par un lien intangible à mon ordinateur, à cette petite fenêtre de discussion alors qu'à 20 cm s'étalaient les copies, en pile chancelante, et que je ne corrigerais toujours pas ce soir - j'attendais en m'en foutant les regards déçus des 4è B le lendemain. Le temps d'une conversation, je n'avais pas touché terre, et c'est là que je compris que nous deux, mous et défaits, on s'accrochait au plancher des vaches car au fond de nous on savait très bien qu'il n'y avait plus rien d'autre à explorer que les contours du quotidien.</div>
-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-71328710586801287642012-09-25T02:36:00.000-07:002012-09-25T02:39:18.481-07:00<div style="text-align: justify;">
Ca fait deux heures. Ca fait deux heures que je me retiens, que je ne lui écris pas de mail, que je ne compose pas son numéro, que je n'envoie pas de texto comme pour faire un signe de vie alors qu'il n'a de toutes façons pas répondu à celui que je lui avais envoyé hier. Ca fait deux heures que je pense à lui dans le vent. Parfois je m'invente des excuses: "il est très occupé, il doit avoir du travail aujourd'hui!", et parfois je m'invente carrément de grosses excuses. Disons le franchement, je me fais un film : "il attend la fin de ta journée pour te raconter absolument tout ce qui lui est arrivé, aura occupé ses pensées, le film qu'il est allé voir ce week end, il veut savourer ce petit contact, ne pas l'expédier entre deux courriers, deux discussions vaines de bureau à propos du dernier épisode de Breaking Bad". Ca aide l'imagination. Ca aidait au CE2. Mais ça aide toujours à 21 ans, quand on est en plein tourment amoureux. C'est ça ou s'étouffer avec sa tristesse et affronter la réalité en face : tu ne vaux rien et/ou tu ne lui plais pas. Pas maintenant, pas tout de suite. Pas comme il faut. </div>
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Ca fait deux heures que ma vie est arrêtée, que j'ai la truffe vibrante et à l'affût, avant de sortir assister à mon cours de droit des obligations, je me mets en retard en chargeant une dernière fois gmail, après je cours en remerciant le ciel d'avoir une heure et demie de cours, 20' minute de trajet à l'aller et autant au retour. Franchement qui n'a pas le temps d'écrire un petit mot en 2h10 ? Mettons 2h20 le temps de dire au revoir. Il est large là ! La réalité c'est que je me force à aller en cours et suivre mes études, pas pour faire quelque chose de ma vie, avoir un diplôme ou la conscience tranquille, mais pour combler le temps entre deux de ses apparitions de ma vie. Je suis dévorée par la passion, et le droit vient calmer mes ardeurs. </div>
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Ca fait deux heures que j'essaye de garder la tête haute, espérant, aussi, conjurer le sort, et je n'ai aucune idée du moment où je ne vais plus y arriver, de la seconde précise où je vais m'effondrer, ou je vais simplement baisser la garde, faire quelque chose de stupide, contraire aux règles, où il deviendra évident pour tout le monde que mes pas sont tristes, et mon coeur à la dérive.
Ca fait deux heures que j'essaye de me convaincre que tout va bien, que tout seul, au moins on se ballade, qu'à deux, le problème c'est qu'on va toujours quelque part.
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-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-41190073565117572382012-08-09T06:48:00.000-07:002012-08-09T06:48:19.411-07:00Lou déboulait dans le café. Pourquoi cette fille ne pouvait pas faire les choses à la même allure que tout le monde, je ne me l'expliquais pas. Elle semblait avaler frénétiquement le monde, ses copines, les livres qu'elle lisait, les soda qu'elle s'envoyait (avant de décréter qu'elle aimait seulement le tonic), au moins elle avait le charme et la délicatesse de nous emmener avec nous dans son tourbillon. Il faut dire que c'était dur d'y résister. J'étais le premier surpris. Une fois qu'elle était entrée dans ma vie, je n'avais aucune bonne raison de l'en déloger, car auprès d'elle, enfin, la vie était frémissante, excitante, quand on se retrouvait "de 5 à 7", les heures passaient, et d'un coup d'un seul, il était 3 heures du matin, elle filait comme elle était venue, enfilant ses souliers sans les délacer, fermant la porte gentiment, mais dévalant l'escalier (j'entendais son sac battre contre sa hanche à chaque palier).
Le lendemain, pas plus tard que 14h, un message quelconque, une photo stupide de ses pieds sur un des livres qu'elle devait lire pour ses cours, venait me distraire dela torpeur dans laquelle le travail m'avait jeté, et l'après-midi était perturbé par sa présence en tâche de fond. Si elle s'efforçait de ne suivre aucune règle, je m'en donnais généralement un tas, et, y compris quand j'aurai aimé cédé à la sensiblerie que suscitait chacune de ses petites manifestations de vie, je me donnais l'air pressé et important de celui qui s'en fichent de ses gamineries. Mais je comptais les heures qui me séparaient des retrouvailles, consultait, fébrile et amusé, les déclarations épatantes de bonne humeur qu'elle m'envoyait : de la bibliothèque, de sa salle de bains, ou du métro qui l'amenait chez moi. Elle arriverait à nouveau échevelée, des livres sortant de sa besace, parfois avec un demi-pain au chocolat à la main, et, en fin de soirée, je n'aurai qu'à regarder les miettes qu'elle aura laissée dans la maison, pour me souvenir qu'elle était passée, avec ses soucis, sa tendresse toute pure qu'elle ne me faisait pas payer et le parfum ambré qui imprégnait les long pull over qu'elle aimait porter sur des robes toujours un peu trop courtes pour elle.-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-7810725932462604592012-05-19T07:11:00.000-07:002012-05-19T07:11:10.107-07:00with no one at the wheel<div style="text-align: justify;">
Et il y avait des matins sans aucune importance. Le soleil se levait, Lou non. Elle demeurait. Demeurée. Clouée au lit, le corps étendu, des talons au sommet du crâne, fixant le plafond vide et blanc. Personne ne l'attendait nul part, ou du moins ne le réalisait-elle pas. Les minutes passaient, soudain il était 10h, elle fondait alors en larme, désespérée. Que faire quand rien n'a d'importance ? Quand on a l'impression que rien n'en aura jamais plus ? L'une après l'autre, les journées passaient en se ressemblant, toutes aussi blafardes l'une que l'autre, comment reformer, réformer le temps. Lou n'avait même plus la force de se tirer hors du lit, elle y régnait en maître, ces 3 mètres carrés étaient sa seigneurie, elle en connaissait le moindre recoin, son ilôt de tristesse, son refuge, un poison et un remède. <br /><br />Voilà. Les jours passaient et en quelques lignes, on a tout dit. Lou, au désespoir, attendait. Que le temps passe, que la nuit vienne l'étreindre. Parfois il y avait des insomnies. Mais au moins, la nuit on est pas censée faire quelque chose. Et on est censée être au lit. Alors les jours s'amoncelaient, tout d'un coup ce serait son anniversaire. Tout d'un coup, pour nous, qui l'observons, c'est faux. Plutôt au bout de semaines et semaines et mois durant lesquelles elle était capturée et se donnait toute entière à une cause : cette tristesse magnifique, épouvantable, qui la dépassait et qu'elle avait presque fini par admirer. Elle était si tenace, irrésistible et imparable : comment ne pas en rester subjuguée ?<br /><br />Elle aussi avait été tenace, imparable et irrésistible. Mais ça, c'était avant, avant d'être engloutie. Ca ne lui revenait même plus vraiment. A part quand elle voyait chez les rares interlocuteurs qui pensaient encore la retrouver : cette lueur chez Apolline, quand elles étaient toutes les deux assises au café habituel. Apolline s'attendait à trouver Lou grinçante, amusante et rieuse, alors que Lou, était arrivée en retard, non pas parce qu'elle courait de la bibliothèque aux cours d'art dramatique du conservatoire comme elle le faisait avant, mais parce qu'elle avait pondéré depuis le matin, voire depuis la veille, la nécessité de s'habiller, d'étendre ses jambes, qu'elle pensait même plus capable de soutenir sa cinquantaine de kilos, à force d'être prostrée, de prendre un bain, bref, de se rendre, nous dirons, présentable. Mais tout ça, Apolline n'en savait rien. Tout juste pouvait-elle le deviner : Lou n'était pas allée au bout de la mascarade, ses cheveux étaient vraiment trop emmêlés pour que cela soit volontaire, son chemisier avait l'air de la blouse déjà sale qu'on passe à la hâte et par devoir, un peu rageusement, pas parce qu'on avait envie de la porter mais par pure nécessité. <br /><br />La nécessité et le contingent. Voilà ce qui organisait l'existence de Lou à présent. Tout était contingent, sans importance : se laver, se nourrir, se distraire, bavarder. La nécessité apparaissait toujours trop tôt, par surprise, criante d'absurdité dans ce désastreux emploi du temps. Sa gestion du temps était inexistante, elle l'avait toujours été – et cela amusait beaucoup ses parents, les amis de ses parents, puis ses amis à elle, qui se ravissaient d'avoir parmi eux une créature si fantasque, libérée de tout même des horaires, mais puisqu'à présent Lou avait délié son existence de tout rendez vous, auquel, précisément, se rendre et déposer son sort, de tout projet, dans lequel s'engager et être présente, bref, Lou était déchargée à la fois de tout avenir et de toute réalité, sa gestion du temps était proprement inexistante à présent car il n'y avait tout simplement plus rien à gérer. Rien du tout si ce n'est des heures de coucher, une alimentation sommaire, et des heures d'inertie. A part quand il fallait masquer la tristesse lors de l'occasionnel sommet social, fût-ce un café avec une vieille amie dans un vague troquet, l'anniversaire d'un parent proche en petit comité, ou les soirées sans conséquences où elle et son chagrin auraient aimé ne pas être invitées, soirées qui avait le bon goût de la sortir de ses draps au moins quelques heures, mais qui impliquait des trésors de persuasion et de diplomatie.<br /><br />Avant, perdre ses nuits à boire et danser lui paraissait déjà stupide – rien ne valait 3 heures de lecture (sur le muret au jardin de préférence, mais un fauteuil duquel on pouvait allonger les jambes irait aussi), mais au moins se préparait-elle avec bon cœur. Un regard furtif, une bousculade maladroite, le bavardage qui viendrait de la table d'à côté, de la cuisine, les lumières dans le taxi en retour, une fois passés les derniers métros, pouvaient éveiller sa curiosité. Et parfois on rentrait accompagnée, comme nous le savons déjà. Mais cela faisait des semaines qu'elle n'avait pas été à l'une des ces soirées agitées et dispendieuses (en bon sens, dignité, et indemnités de stage) le cœur léger. Des semaines qu'elle ne faisait plus rien le cœur léger, toute à son désespoir, dévouée à ses inquiétudes et à son anxiété.<br /><br />Mais elles étaient probablement déjà là :terrées, tapies, attendant le meilleur moment pour se jeter sur leur proie, une jeune fille gauche, sans vraiment de blessure, qui écoutaient les palpitations de son cœur comme une vérité universelle. C'était l'amertume au réveil, occasionnelle puis continuelle, la fatigue qui sans raison se transformait en agitation, le sentiment que quelques soit nos stratégies et nos détours, le motif de notre existence – que ça soit la jalousie, l'excès ou la fuite, se jouait et se rejouait sous nos yeux, une audience zombifiée, pétrifiée devant cette constatation terrible. Cette existence, tout ce que l'on y fait de mesquin, de convenable ou d'indiciblement petit, il faudra la vivre encore une fois et encore d'innombrables fois. Chaque douleur, chaque plaisir, chaque pensée, chaque soupir, est là pour revenir. Alors, Lou, qui jusqu'ici n'avait pas encore beaucoup vécu, regardait par la petite fenêtre – sur laquelle le précédent locataire avait laissé des traces de peintures blanches en en repeignant le cadre, et elle regardait attentivement, avec beaucoup d'opiniâtreté ces traces, en se concentrant sur le relief qu'avait pris la peinture en séchant contre le verre, le coup de pinceau abruti que l'on pouvait encore deviner et elle se demandait, finalement, ce qui la saisissait le plus, l'absurdité totale de ce chêne, en bas dans son square, des nœuds que faisait depuis 134 ans son tronc, posé crânement dans tout son être, comme toutes les choses de ce monde alors qu'elles ne tenaient à rien, et pourrait disparaître, ou la hantise que tout revienne, suivant la même succession, le même enchaînement, y compris l'araignée sur le chêne, le bourdon qui ennuie les lecteurs sur leurs bancs, et les tâches de peinture sur les fenêtres que l'on repeint.<br /><br />Avec le sentiment d'être mise au pied du mur, Lou claqua sa langue contre le palais, soupira une dernière fois, comme pour acquiescer. </div>-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-86837112750991420072011-10-11T07:59:00.000-07:002011-10-12T13:48:55.804-07:00<div style="text-align: justify;">Il n'y a rien de spécial à dire : amoureuse, j'étais comme tout le monde. Le métro n'allait jamais assez vite jusqu'à chez lui, les heures de cours, les fesses coincées sur des chaises d'amphi qui claquent quand on se relève, étaient interminables, le taxi au retour était comme un territoire inconnu : je me repassais en boucle le son de sa voix, les phrases qu'il glissait, peut-être sans le savoir ni s'en souvenir, je me refaisais les scènes : comment était-on passé du canapé à son lit à la cuisine à son lit à la salle de bain à la porte d'entrée à son canapé à l'ascenseur ? J'étais connectée sur une autre fréquence. Celle où tu veux te réveiller plus tard pour être sûre qu'au lever tu risques de trouver un email, un inbox ou un sms.<br /><br />Tapie, à l'affût du moindre geste, j'étais comme tout le monde c'est-à-dire complètement pathétique. Cette vie suspendue au rythme des rendez vous, des cafés, des déjeuners furtifs dans certains quartiers, pas dans d'autres, me laissait l'impression d'être rien d'autre qu'un corps disponible.<br /><br />L. venait chafouin, me prenait contre lui comme si, de toutes façons, je ne pouvais vouloir que ça (le fait est que je ne voulais que ça et rien d'autre - mes cours gisaient, ça faisait 3 semaines que je m'étais pas montrée en macro-économie, et je validerai miraculeusement le droit public), glissait mes mains sous ma robe en la relevant - je m'obstinais à porter des robes, et Clara avait plein de choses à dire sur le sujet, il sentait la cigarette et je déposais mon manton contre les rebords, durs et droits comme la justice, du col de la chemise qu'il porterait ce jour là. Pas celle qu'on avait choisi ensemble le samedi qui précédait. Dans le magasin j'avais l'impression qu'il cédait à un caprice, consentait à me donner de l'importance.<br /><br />En rentrant toutes les questions. En rotation lourde dans le cervelet : est ce que je représente quelque chose pour lui et si oui quoi ? A quoi il pense et est ce qu'il pense à moi, de temps en temps ? A ce rythme, ça devient rapidement rance et putride. Alors, souvent, quand j'avais atteint un taux de macération satisfaisant (2 tablettes de chocolat) je m'habillais en vitesse : la jupe de la veille, un pull qui traîne, et je filais dehors, me vider la tête, les pensées lourdes, à chaque inconnu que je dépassais d'un pas que je voulais leste et décidé, j'étais un peu plus rassurée : je suis là, j'existe, je sens quelque chose, et, de toutes façons il me dégoute quand il parle la bouche pleine.</div>-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-75893122050670731942011-10-07T03:48:00.000-07:002011-10-07T04:40:17.884-07:00how to live on nothingLes jours se suivent. De plus en plus, en tout cas, c'est de plus en plus certain, j'ai envie que l'on me tire hors du monde, de toutes façons, c'est pas exactement comme si j'y allais de ma contribution. Être tiré du monde, ça c'est un programme : façon Augustin au livre X des Confessions, que j'avais lu en cours de latin un mercredi matin où j'avais daigné me lever, regarder l'heure et atteindre la fac, Augustin qui, spectateur d'un évènement dont il n'a pas de mot pour décrire l'horreur (un combat de gladiateur) espère que "la main de Dieu" va le tirer de toute sa force, lui et ses copains stoïques qui, malgré toute leur philosophie, ne résistent pas à l'abondance de sang, de sueur et à l'exaltation des sentiments que provoque le combat, et face cette avalanche de violence, Augustin n'a, comme moi, qu'un souhait : que Dieu le tire, donc, hors du monde, des vicissitudes, de la vérité approximative et surtout de l'obscurité. Mais bon nous sommes en 2011, et en 2011 on n'a pas la foi. On a Facebook et on réalise que nos amis sont cons, le reste du temps on réalise malgré nous l'ampleur de la misère sexuelle, il n'y a plus franchement d'obscurité, mais tout le monde déprime en silence.<br /><br />Bref, que fait-on exactement de sa vie, des heures qui nous sont remises ? On les achète, ou, plus exactement on laisse des gens les acheter souvent, surtout. On ne se l'avoue qu'à demi-mots, pour mieux continuer, mettre un pied à peu près devant l'autre. Merci pour le cadeau.<br /><br />Je suis désemparé devant mon angoisse. Je ne vois qu'elle. Mais la certitude d'en avoir fini bientôt, chaque jour après tout est un jour de moins, pourvu que ma solitude s'accorde à celle de quelqu'un d'autre, que nos névroses combinées nous mène quelque part, permet de regarder au loin. Chaque jour est un jour en moins.-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-38804603116698506562011-09-09T03:10:00.000-07:002011-09-09T03:10:14.688-07:00<div style="text-align: justify;">
J'avais décidé, une fois pour toutes, de renoncer aux petites péripéties des histoires d'amour : l'exaltation des premiers rendez vous, les palpitations quand on rencontre la main de l'autre, les portables qu'on fait sonner, les portables dont on attend la sonnerie, l'excitation quand on se mettait enfin, au lit. Foutaises. Tout ça, du narcissisme, rien d'autre. </div>
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Du coup il n'y avait absolument rien de déplaisant à aimer Lou et ses rebiffades. Là, là, c'était vraiment quelque chose. Quelque chose de valable. Je m'en rendais évidemment compte : Lou n'en avait rien à faire de moi. Et plus elle s'en fichait, plus je la voulais. Normal. </div>
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Quand je voyais les couples se préparer pour sortir, s'apprêter, et puis tous ces livres et poèmes s'étalant sur des pages et des pages sur les sentiments, la fébrilité, la confiance, et tous ces trucs tellement éphèmeres, fragiles, ça me donnait envie de vomir. Parce que tout pourrait disparaître, s'abîmer. Devenir nul, habituel, convenu. Mais tant que Lou me rejetait, j'avais tout pour moi.</div>
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Je l'avais rencontrée pendant l'été. Elle traînait avec ses amis crânement. Et, rapidement, mon été a eu le goût des regards en coin, furtifs, que je parvenais à attraper, en fin d'après-midi, quand elle se relevait de sa natte après avoir bronzé paresseusement. Elle la repliait d'un geste bref, et, en même temps, ses lèvres fines s'étiraient en sourire. Elle regardait alors au loin en plissant les yeux, et pouvait me voir l'observer. L'été a aussi eu le goût de ces après-midi loupés où je ne faisais rien d'autre que scruter ses mouvements, la regarder étendre ses longues jambes toujours un peu trop maigres, sur lesquelles on pouvait compter, par dizaines, des grains de beauté, mais nos regards ne se croisaient pas, le mien restait suspendu, sans réponse, sans retour, et je me sentais assez crétin.</div>
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Un jour, il faisait mauvais, elle était venue seule. Elle avait l'air encore plus boudeuse que d'ordinaire quand elle enleva ses tennis de toile pour marcher pied nus sur le sable. Peut-être s'était elle disputée avec quelqu'un. J'aimais bien inventer la vie de Lou avant et après ses après-midi à la plage. De quoi elle aurait pu déjeuner, si elle s'était levée à 8h ou 11h, si elle était allée faire le marché, si elle avait joué au tennis, si son savon sentait la lavande comme je l'imaginais. J'étais seul aussi, et elle utilisa ce prétexte pour venir à moi. A chaque pas qu'elle faisait vers moi, le monde sous mes pieds glissait un peu plus, et un autre, s'ouvrait. Une armoire des possibles béante, à peu près aussi captivante et terrifiante que sa longue silhouette, surmontée d'une masse rousse informe, bouclée, qui se dirigeait vers moi. Enfin, il allait se passer quelque chose. Les choses n'avait plus d'emprise sur moi, je distinguais tout juste ses hanches, ses chevilles, car tout ce que je voyais c'était son regard, bien planté dans le mien : deux billes marrons. J'aimerai dire qu'elle avait l'air défiante, mais, si j'avais envie de fuir, c'est seulement par couardise et lâcheté, car Lou me regardait l'air tendre et amusé, et, à partir de ce moment là, j'ai su qu'un tas de choses m'échappait.</div>
-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-69297966542363018822011-08-28T02:06:00.000-07:002012-02-11T01:53:14.724-08:00Je suis dans une logique d'effondrement. Pièce par pièce, tout s'écroule. Méthodiquement, on perd pied. Ce n'est même pas tout à fait ça : cela fait bien longtemps que l'on n'est plus solidement planté sur terre - on est "toujours-déjà" dans la chute, c'est, plus exactement, que l'on n'a plus prise. On dégringole tant, et, si bien, qu'on ne sait plus tellement à quoi s'agripper sinon à la douleur, toujours précise, toujours certaine, d'être en vie.-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-86690152913737005072011-08-21T08:55:00.001-07:002012-05-19T08:42:13.109-07:00stay away<div style="text-align: justify;">
Le matin se lève. Pas moi.<br />
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Je n'ai aucune envie de faire des efforts, spécialement aujourd'hui. Je m'auto-congédie du monde. Je laisse ma place vaquante : tout va bien, tout ira bien. C'est ça le tragique du monde : tu n'as rien d'unique vraiment, tu peux, tout à fait, vaquer, disparaîre, réapparaître. Être en pointillé. De toutes façons, franchement, soyons sérieux, qui <span style="font-style: italic;">est</span>, tout le temps, du lever au coucher, de la prise de fonction au moment, salutaire, où l'on s'endort jusqu'au lendemain, jusqu'à la promesse d'une nouvelle journée, que l'on va encore déformer, gâcher, perdre de manière époustouflante, parce que "la vie" est une pute et qu'elle nous encule bien profond ? Est ce qu'on est dans le métro, station Vavin ? Est ce qu'on est quand on va faire des courses au Monoprix et qu'on hésite entre deux marques de yaourt ? Est ce qu'on est quand on dit bonjour à ses amis ? Est ce qu'on est quand on pleure le soir d'ennui de rage et d'insatisfaction ?<br />
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Plutôt que de me poser la question, je ne quitte pas mon poste d'observation favori, mon bunker, mon corps ankylosé à force d'être prostré, les secondes et les heures peuvent se dérouler quelque part où je ne serais pas car je n'ai rien à y faire. Peu importe.<br />
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"Peu importe" : on ne se le dit pas assez souvent, ou on ne le dit pas comme il faut. Peu importe car rien ne compte. On croit que tout importe, l'état des finances, la voiture qu'on conduit, l'heure à laquelle on part au travail en attendant nos jours de congés, mais en fait, vraiment, peu importe, rien de tout cela en tout cas. Rien n'importe sinon la gloire et ce sursaut dans le sang quand on effleure la nuque et comme rien de tout cela n'est au programme ce matin, je sèche.<br />
<br />
La journée passera, dans un silence parfait que d'autres trouveront désespérant, seule face à mes humeurs, mes lacunes et l'inventaire de mes défauts. Je suis inconséquente, ça on le sait déjà, je suis frivole et légère, on le devine aisément, je ne m'applique que lorsque je le souhaite, et peu de chose rencontre ma grâce. Mais bon. Mieux vaut mourir incompris que passer sa vie à s'expliquer.</div>-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-89121592011034105112010-12-31T02:36:00.000-08:002011-10-12T13:55:14.331-07:00Elle et sa copine avait passé l'après midi à resasser des histoires de coeur mal foutues, j'écoutais en silence, autour de nous traînaient les lectures de l'été de la mère de Lou, toutes obsessionnellement cornées, et puis en étirant ses jambes, Lou disait, "c'est quand même plutôt facile, la vie, en général".<br /><br />Cette assertion marquait la fin de la conversation, elle allait se préparer, rassembler ses affaires (jamais grand chose), qu'elle appelait "impedimenta", et, d'un pas leste, rejoignait son quartier favori : la plage face à l'océan. J'étais invité à la suivre.<br /><br />Ce que j'aimais chez Lou c'est ce que j'y voyais : une fille qui n'a pas de filtre, complètement vraie et poreuse. J'étais tombé amoureux de sa nuque tendue, de ses yeux intelligents et de sa voix qui perçait l'air avec confiance. Elle n'était pas spécialement sûre d'elle, mais elle parlait avec simplicité et honnêteté. Quand elle s'entichait de quelque chose c'était toujours très simple et très certain. Par exemple, en ce moment c'était la mer. Alors elle regardait le port d'échouage devant lequel on passait en rentrant le soir, lorsque la lumière déclinait et faisait des reflets sur les voiles affalées, avec une émotion assez pure, comme une satisfaction générale et pleine, un peu dans le tragique. Elle reprenait sa route la mine haute, changeait de sujet rapidement : où fallait-il boire un verre ce soir ? mais impossible d'ignorer qu'elle avait repris son souffle un instant.-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-88062513880065114222010-12-30T05:47:00.000-08:002010-12-30T06:24:22.083-08:00<div style="text-align: justify;">Je regarde le froid dehors. Je suis dans mes 5' où je somatise pas, ou à peine, où je suis une femme indépendante et les sentiments sont bourgeois. Où, en guise d'introspection je fais semblant de ne pas avoir de curseur moral. Bon, comme c'est récent, je ne parviens pas encore à savoir si cette nouvelle orientation de mon existence m'est profitable ou non. Ce n'est pas complètement désagréable d'avoir congédié le Politburo de la bonne conduite et de ne plus vraiment réfléchir aux conséquences (ou significations en fait) des actes et des paroles que je prononce, mais pour le moment, je ne sais pas encore si c'est pour moi.<br /><br />La nonchalence, rentrer en taxi à tout bout de champ, ne pas arrêter de fumer, pleurer (à moitié seulement). J'essaye d'agir pour me donner une vague contenance, mécaniquement, je réponds et relance la conversation, sans en avoir quoi que ce soit à tirer des réponses, comme lui, je les écoute distraitement et je nous sens tristes, fatigués, las. Comme si l'essentiel n'était pas là. Les jours s'amoncellent, ma solitude augmente, les minutes s'égrennent de façon désordonnée et l'été paraît loin. Loin et ridicule. Je ne sais plus précisément ce à quoi me rattacher, puisque j'ai entrepris, dans mon élan d'indépendance à l'égard du monde et de mes 20 ans, d'arrêter la planification et les résolutions. Rien du tout à l'horizon, calme tranquille, encéphalogramme plat, si ce n'est le moment, précieux, pour lequel je suis assoiffée, où il effleure mon poignet. Rien de plus. J'aurai fait la parfaite héroïne d'un roman du 19è : je rougis quand on m'embrasse l'épaule. Je ne connais pas encore mon sort et je m'en fous, j'ai à chaque fois l'impression de me jeter quelque part et que seules m'accompagnent nos tristesses relativement mal accordées. Fidèles au poste, solidaires et dévouées.<br /><br />Mais parce que c'est si agréable et que je ne recherche de toutes façons plus rien d'autre depuis des semaines, je décide que tout dans la vie est énergie, c’est ça ou bien les choses vous sucent comme des vampires.<br /></div>-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-58359325390342583922010-11-11T01:20:00.000-08:002010-11-11T01:25:10.197-08:00- "Oui, ça dégringole et c'est chiant. J'en ai conscience.", je disais d'une voix à la fois lasse et excédée. J'ai toujours détesté être le centre d'attention, qu'on s'attarde trop sur moi, et spécialement sur mes humeurs. Elles ne valent pas le coût. Qu'il y accorde de l'importance en fait, ça me décevait. C'était indigne, inutile.<br />- "Mais il va falloir faire quelque chose. Tu ne veux pas continuer comme ça ?"<br />- "Quelle importance ? Je passe de bonnes journées"<br /><br />Passer de bonnes journées, on va pas en chier des pages et des pages, ça me suffit.<br /><br />Manifestement, l'argument a fait mouche, il se tait. En fait il me regarde l'air absolument atterré, et j'avoue que ça me fait bien rigoler intérieurement d'avoir formulé une telle réponse quand on sait précisément à quoi je consacre mes journées : on m'a par exemple vu pleurer au monoprix, je n'ai pas démélé mes cheveux depuis probablement 21 jours (date de la fête de Coline), une valise éventrée traîne dans ma chambre depuis mon retour de vacances. Bref, de bonnes journées ! Indéniablement.<br /><br />Pas du tout habitée par ma crainte et mon obsession de ne pas le retrouver le soir. Prétendre pendant trois heures - nous sommes patients et des êtres d'une froideur exquise, qu'il ne m'attire pas, rester à 50 cm l'un de l'autre, sur deux sièges différents s'il le faut, pour fondre l'un sur l'autre finalement, à un moment critique, presque avec maladresse, et puis alors il m'embrasse de tout son corps et je brûle qu'il me déshabille. Une fois l'affaire faite, plus un mot. Par contre, il arrive que je pleure quand il va me chercher un verre d'eau.<br /><br />Et quand je pleure, il pose fatalement la question : "mais ça va ?". Et c'est là que je réponds des trucs sur la dégringolade, la dépression, le fait que je fasse absolument n'importe quoi, mais, soit disant, les journées sont bonnes.<br /><br />Alors que rajouter ? Je termine de m'habiller, je lève le menton haut, je fais mine d'être vexée par ses inquisitions (d'ailleurs, je suis vexée, savoir si je vais ou pas, c'est pas tellement la question), je me précipite vers la porte et le lendemain j'attends son appel, son signal, j'avale les stations de métro jusqu'à chez lui, toujours chez lui, et la journée commence enfin. La bonne journée j'entends.<br /><br />Je boude et je râle, mais je crois que je suis amoureuse.-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-61601333758992998442010-08-10T04:44:00.000-07:002010-08-10T05:03:01.152-07:00Vacances à LondresUn court week end à Londres, exclusivement dans l'Ouest de la ville. Pas de Brick Lane, Southbank, Camden au programme, tout juste un mini tour au marché/frippes de Shoreditch en fin de journée le dimanche. A la place, un désormais traditionnel petit déjeuner à Inn the Park, à peine débarquée de St Pancras, visite du Tate Britain (Turner, Sargant, Rossetti !), promenade à travers Chelsea, Hyde Park, South Kensington pour diner de thai food dans un pub à Hammersmith. Le lendemain, garden party pleine de britanniques à Wargrave. Pimms, BBQ, boats, cricket, glow sticks, midnight skinny dipping, bacon and eggs were included and repeated in various order.<br /><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4878615498/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4093/4878615498_30c1e185e6.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4878008059/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4096/4878008059_c4d9f74688.jpg" width="500" height="375" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4878618120/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4134/4878618120_ebf3344c49.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4878618976/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4099/4878618976_18a6884aea.jpg" width="500" height="375" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4878004703/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4101/4878004703_402a471553.jpg" width="500" height="375" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4878050917/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4140/4878050917_e7da637aa7.jpg" width="500" height="375" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4878658248/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4099/4878658248_0a921e6b25.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4878623898/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4074/4878623898_bb8211943d.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4878016313/" title="26 by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4095/4878016313_33b63cab80.jpg" width="500" height="333" alt="26" /></a>-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-22545018420533849182010-07-26T11:39:00.000-07:002010-07-26T12:50:09.629-07:00Vacances à la mer<a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831060213/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4104/4831060213_eacd70c374.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831683564/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4124/4831683564_cb3b47d92f.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831686702/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4122/4831686702_93e3f95561.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831699536/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4132/4831699536_28c0cc9819.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831128495/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4130/4831128495_a2d657b487.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831125065/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4106/4831125065_0dd39d6af2.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831827420/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4104/4831827420_559ab96d00.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831750890/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4090/4831750890_b570b89727.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831746692/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4083/4831746692_5c3c27268e.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831815870/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4092/4831815870_7a30679c00.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831768442/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4130/4831768442_064d6d1c95.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831196745/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4109/4831196745_a24f178bab.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><br /><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831208175/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4130/4831208175_1035551c32.jpg" width="500" height="333" alt="" /></a><a href="http://www.flickr.com/photos/gummibarchen/4831212801/" title="Untitled by tallulah does the hula from hawaii, on Flickr"><img 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Et je lisais d'abord Flaubert, Voltaire puis Rousseau. Rarement je me sentais aussi grandie, comme adoubée.<br /><br />Je me souviens de cet après midi de mai : 3 jours que je traînais ce sonnet de Shakespeare, rien, rien, je ne trouvais absolument rien à dire là dessus, et j'en ai quitté ma prépa.<br /><br />Et aujourd'hui, à mon cinquième commentaire de Bergson en 1 mois, je réalise qu'à présent, il n'y a plus d'admiration, plus de vengeance à prendre, on est simplement devenus familiers : parfois on s'adore, et parfois, on s'ennuie.-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4421206501277474254.post-39876198568489093852009-11-09T02:58:00.000-08:002009-11-09T03:13:13.057-08:00Liste pour être bien mélancolique- du thé mariage frères "esprit de noël"<br />- un bon disque très neurasthénique : idéalement, She Hangs Brightly - Mazzy Star, ou Garlands - Cocteau Twins<br />- de vieux Woody Allen : Manhattan, Annie Hall ou Hannah et ses soeurs<br />- des stores ou des rideaux pour faire une lumière tamisée<br />- une bougie qui sent les épices<br />- une journée à tuer<br /><br />De tout ça, actuellement, je n'ai que les disques, autant dire que je me sens comme un athlète prenant son élan, et stoppé juste avant de pulvériser son recors au triple saut.<br /><br />TRAGIQUE.<br /><br /><br /><a onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}" href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg73JbiIcI8ncJHgE_Wt8S7X9kL3Qh-f3H15qqzxFY-L32HcbV10RFFVm68_RhgfoZurRRffZl5QZA5S4fz2j-SGbdv1ePbq3h__OMggu5xt5sbTrxluHIiGxe-X9QjZR9YHBxkxaihzwj5/s1600-h/15111566_p.gif"><img style="margin: 0px auto 10px; display: block; text-align: center; cursor: pointer; width: 400px; height: 300px;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg73JbiIcI8ncJHgE_Wt8S7X9kL3Qh-f3H15qqzxFY-L32HcbV10RFFVm68_RhgfoZurRRffZl5QZA5S4fz2j-SGbdv1ePbq3h__OMggu5xt5sbTrxluHIiGxe-X9QjZR9YHBxkxaihzwj5/s400/15111566_p.gif" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5402060001988191698" border="0" /></a>-fhttp://www.blogger.com/profile/13575234509686693370noreply@blogger.com1